À l'origine, tout est parti d'un portrait. Mathilde raconte : "Quand j'étais petite, ma grand-mère vivait chez mes parents. Chaque soir en allant dans sa chambre lui souhaiter bonne nuit, je voyais sur sa table de chevet une photo de sa fille de 1 an et demi sur son lit de mort, emportée par une méningite. Cette photo m'effrayait mais évidemment je ne pouvais pas m'empêcher de la regarder, alors je plissais les yeux pour qu'elle devienne une forme abstraite."
Sa petite-fille devenue adolescente, cette même aïeule, qui avait essuyé de nombreux revers et traversé la guerre 14-18, lui déclare : "Ma petite fille, la vie n'est pas qu'une partie de plaisir". "Je me suis sentie très honteuse et encore aujourd'hui", révèle Mathilde.
Traumatisme et émancipation
Sauf que la culpabilité - tous les psychologues savent ce qu'ils lui doivent - ça n'aide personne à avancer... Bon an, mal an, convaincue que nos ancêtres sont en partie responsables de nos névroses, l'artiste se met au travail pour changer notre regard sur ces personnalités du passé. Elle obtient sa "permission" en 2009 quand les parents de Mathilde Lemonnier lui donnent un carton familial conservé au grenier en lui disant: "Fais nous rire".
Elle multiplie les brocantes
Que n'avaient-ils fait là ! Ce carton rempli de photos de sa famille, s'étalant du début du siècle dernier à 1960, que beaucoup conservent religieusement comme si elles étaient sacrées, est devenue sa boite de Pandore.
Mathilde multiplie les détournements photographiques, qu'elle exécute au pinceau, avec cruauté et tendresse et produit des oeuvres irrésistiblement drôles. Il y a longtemps que le carton familial est épuisé. "D'ailleurs, c'est là que je me suis vraiment rendue compte de leur côté sacré, quand j'ai tout écoulé et j'ai un peu regretté, c'est vrai".
Lucie Beaupérin